Enquête-Floraison des écoles de formation professionnelle: Quand le business prime sur la qualité

Autrefois, au Sénégal, l’enseignement supérieur était l’affaire des universités classiques (UCAD, UGB) . Mais depuis plus de trois décennies, on constate une floraison d’écoles de formation professionnelle privée provoquée par une forte demande d’orientation de nouveaux bacheliers et la faible capacité d’accueil  des universités publiques. Cette situation n’est pas sans conséquence car beaucoup d’instituts de formation privés ne remplissent pas toutes les conditions. Ce qui impacte négativement sur la qualité de l’enseignement. Quelles est la responsabilité de l’État? Quelles solutions pour encadrer le secteur? A travers ce dossier, Dakar7 a tenté d’en savoir plus en donnant la parole  aux acteurs. 

En cet après midi du vendredi, la cour de l’Institut Supérieur d’Entrepreneurship et de Gestion (ISEG) est quasi-déserte. Les étudiants sont presque tous rentrés chez eux à l’exception de ceux inscrits en cour du soir. situé à la Sicap sacré-cœur 2, ISEG fait, en effet, partie des écoles de privée de formation professionnelle les plus anciennes au Sénégal. Agrée en 1996, elle est constituée d’une trentaine de campus à Dakar et dans les régions, elle est très sollicitée du fait des tarifs relativement bas et de son système de parrainage qui permet à des milliers d’étudiants de bénéficier d’une bourse d’études. Si ISEG a su tirer son épingle du jeu et se faire une certaine notoriété dans le secteur, ce n’est pas le cas pour le reste. En effet, beaucoup d’écoles de formation ont vu le jour vers les années 2000 mais peu sont reconnues par l’État. Une floraison qui impacte négativement sur la qualité d’enseignement, car peu d’entre eux remplissent les critères.

Yankhoba Fall, responsable ISEG:« Il est plus facile d’avoir une licence professionnelle dans le privé que dans le public »

Qu’est-ce qui explique un tel intérêt chez les promoteurs des ces écoles ?  Yankhoba Fall, responsable du système d’information de l’Institut Supérieur d’Entrepreneurship et de Gestion (ISEG), trouvé devant sa machine (PC), donne son point de vue. « D’une part, cela s’explique par le fait que les universités sont débordées à l’idée d’accueillir tous les étudiants. Si l’on sait qu’ils constituent un nombre important d’où l’impossibilité même d’y orienter les nouveaux bacheliers. Donc, difficile pour eux d’accéder aux universités publiques. L’autre explication, c’est qu’il est plus facile d’avoir une licence professionnelle dans le privé que dans le public » note-t-il.

En tenue traditionnelle beige sombre, Mamady Kouyaté, la quarantaine est professeur, Sociologue-consultant, PDG de l’école des Hautes Études de Coaching et de Management (HECM). Trouvé dans son bureau, il nous livre sa vision sur le nombre important d’écoles de formation professionnelle dans notre pays. Contrairement à notre interlocuteur d’ISEG, il pense qu’il existe un manque criard d’écoles de formation professionnelle capables d’absorber le flux conséquent du nombre d’étudiants et de nouveaux bacheliers à la recherche d’une formation de qualité. « Les universités classiques peinent à contenir les nombreux bacheliers. C’est pourquoi, l’Etat a misé sur les universités privées afin d’assurer la formation de ces derniers. Les écoles de formation professionnelle constituent des entreprises formatrices et créatrices d’emplois. » Toutefois, Mamady reconnaît qu’il y a des problèmes dans le secteur et interpelle les autorités. « l’Etat doit régulariser, assainir le secteur et nous accompagner dans l’optique d’avoir des programmes consistants, alléchants et opérationnels, des moyens matériels permettant d’offrir une formation de qualité. Il faut que les écoles de formation puissent reposer sur le principe de qualité dans l’enseignement conformément au système LMD, principes universitaires et académiques. L’ANAQ-SUP doit continuer à surveiller, auditionner les écoles avant l’attribution de l’agrément définitif. C’est une structure très salutaire qui pousse les écoles de formation professionnelle à se tourner résolument vers la qualité  » fait-il savoir.

Madame Diop,HEMI: « Les universités privées ont réussi là où les universités publiques ont péché »

Un avis partagé par Yankhoba Fall. A cet effet, le responsable du système d’information de à l’ISEG montre la voie à suivre: « Pour ce qui est de la création d’écoles de formation professionnelle, l’Etat, à travers l’ANAQ-SUP et le CAMES effectuent un contrôle sur chaque école par rapport à la qualité de l’enseignement, des enseignants, du personnel et des locaux administratifs. Passée ces conditions, l’école à l’aval du CAMES et de l’Etat par l’attribution d’un agrément définitif pour pouvoir donner une formation de qualité aux étudiants » souligne-t-il. Même s’il y a des choses à dire, Madame Diop, la Directrice des études de l’école des Hautes Études de Management et d’Informatique (HEMI) pense que l’existence des écoles de formation privées sont plus que nécessaire. Dans son bureau où elle nous reçoit, cette dame d’une trentaine d’années, teint clair, vêtue d’un veston gris, pull noir et blanc et pantalon noir, relativise: « Il fut des temps, il n’existait que les universités publiques. Mais on avait constaté qu’une fois la formation terminée dans les universités publiques, la pratique manquait. Donc, il nous fallait se rendre dans les écoles de formation professionnelle pour être pris dans les entreprises. »  Pour elle, « les universités publiques forment le produit mais ne le suivent pas ». Contrairement aux écoles de formation privée « qui ont beaucoup investi sur leur avenir ». « Les universités privées ont réussi là où les universités publiques ont péché. Car, elles ont posé sur la table quelque chose d’utile et de plus avantageux » souligne-t-elle.

Plus de 250 auto-évaluations, 200 EES(Ecole d’enseignement supérieur) évaluées.

Du côté de l’ANAQ-SUP, on se dégage toute responsabilité dans baisse de la qualité de l’enseignement notée dans des écoles de formation professionnelle. Mme Marième Sambe BA, la responsable de la cellule de communication contactée par Dakar7 nous explique leurs » procédures d’évaluation et d’accréditation ». « Pour apprécier le niveau de qualité des établissements d’enseignement supérieur et de leurs programmes. L’ANAQ-SUP a réalisé un travail important dans le cadre des évaluations institutionnelles des établissements publics et privés et de l’accréditation de leurs programmes de formation. « L’ANAS-SUP révèle que les EES publics et privés ont réalisés plus de 250 auto-évaluations, les experts externes ont évalué plus de 200 EES ou programmes de formation et le Conseil scientifique a pris 138 décisions parmi lesquelles il y a 84 décisions favorables et 54 décisions défavorables.

A propos des diplômes qu’elle a évalués, L’ANAQ-SUP accrédite certains (c’est-à-dire reconnus comme étant des diplômes de qualité) et d’autres ne le sont pas. L’apport de l’ANAQ-SUP dans le développement de la formation professionnelle dans l’Enseignement Supérieur est multiforme. « L’ANAQ-SUP participe à la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire favorable à la qualité des diplômes. Pour exemple, on peut citer le nouveau décret sur la reconnaissance des diplômes au Sénégal qui impose entre autres, l’accréditation du diplôme par l’ANAQ-SUP comme condition. Elle accompagne les EES à développer des mécanismes internes d’amélioration continue de leur qualité. Elle évalue les EES et leurs formations et témoigne du niveau de leur qualité. Les rapports des évaluations sont publics sur le site de l’ANAQ-SUP qui peut être consulté par les étudiants, les parents d’élèves et les entreprises » lit-on dans le document. »

Tout compte fait, le secteur de l’enseignement supérieur demeure un marché très juteux  particulièrement à Dakar. Cependant, il a besoin d’être assaini pour répondre aux normes et standards internationaux en termes de politique d’orientation, de formation et d’insertion socio-professionnelle des milliers de candidats à l’emploi au sein des entreprises. Pour ce faire, l’Etat à travers, le Ministère de l’Enseignement Supérieur, l’ANAQ-SUP et les acteurs concernés doivent élaborer une stratégie, allant dans le sens de corriger le déficit noté dans la qualité, le déséquilibre entre la forte demande d’emplois et l’impossibilité de recrutement de nos entreprises soumises à des contraintes économiques, de compétitivité…

Fara Thiernou Mendy, stagiaire

http://Dakar7.com

 

 

 

 

 

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