(Entretien exclusif) Mamadou Haji Cissé, député maire de Kédougou.«Si les autorités n’avaient pas pris ces mesures(…) Pour mon avenir politique, rien n’est exclu»

Mamadou Hadji Cissé, brise en silence. Après avoir réussi à éteindre le feu qui couvait dans sa localité à la suite de la mort du jeune orpailleur tué par un douanier, Yamadou Sagna, le député maire de Kédougou maire revient sur les événements malheureux qui ont cristallisé l’attention de l’opinion publique.

Dans cet entretien accordé à Dakar7, Hadji Cissé, qui a condamné les «bavures policières répétitives», explique les vraies causes de la révolte des populations de cette zone orifaire, donne son avis sur le nouveau Code minier.

Le député de Kédougou s’est, par ailleurs, prononcé sur son avenir politique. Après avoir pris ses distances avec Modou Diagne Fada avec qui il avait mené la fronde au Parti démocratique sénégalais, Hadji Cissé dit être à l’écoute des populations de Kédougou qui l’ont élu. Toutefois, il n’exclut pas de rejoindre le parti au pouvoir.

 

Le maire de Dakar, Khalifa Sall est entendu par la DIC dans le cadre de sa gestion de la caisse d’avance. En tant que maire, quel commentaire vous en faites ?

Je n’ai pas de commentaire particulier à faire puisque je ne maitrise pas le dossier. Il y a tellement de commentaires sur cette affaire que je n’ai pas une bonne lisibilité. C’est une affaire pendante devant la justice et j’attends la suite.

Mais sur le principe, je condamne la convocation du maire Khalifa Sall par la police. Je considère qu’un maire doit bénéficier d’une immunité comme le député pour lui permettre de travailler sereinement. Car, il abat un travail colossal au service de sa population.

Vous êtes le maire de Kédougou, comment avez-vous vécu les événements malheureux qui s’y sont déroulés il y a quelques jours et ayant conduit à une mort d’homme?

D’abord, je condamne fermement ces actes (commis par les douaniers :Ndlr). Aujourd’hui, c’est le énième acte barbare qui a été commis par les forces de défense et de sécurité au niveau de la région de Kédougou. Personnellement, je suis contre l’usage abusif des armes. Kédougou n’est pas le far west où on peut dégainer son arme n’importe comment. Aujourd’hui leur formation doit leur permettre d’exercer leur métier sans un usage abusif des armes.

Est-ce que ces incidents ne traduisent pas un  sentiment de frustration et d’injustice qui habitent les populations de Kédougou ?

Bien sûr, le mal est très profond. Au niveau de Kédougou,  les gens calment les situations, mais ne les règlent pas. Comme vous le savez, un problème, si vous ne le réglez pas, ça revient toujours. Depuis 2008, il y a des bavures policières. Kédougou est une région particulière. C’est une zone frontalière où il y a les exploitations minières. Les populations n’ont pas d’autres activités que l’orpaillage. Il y a un  conflit d’intérêts qui se pose entre les populations et les multinationales.

Quel genre de conflit d’intérêts ?

Ce sont des champs des populations qui ont été attribués aux multinationales pour exploitation. C’était leur parcours de bétail. Si aujourd’hui, les populations n’ont plus cette possibilité, ça pose problème. Pourtant, l’Etat avait bien pris l’initiative d’organiser l’orpaillage, malheureusement, les forces de défense et de sécurité entrent dans les couloirs d’orpaillage, traquent les orpailleurs détenteurs de cartes, d’autorisations. Si l’Etat autorise l’orpaillage, on doit permettre aux orpailleurs d’exercer leur travail correctement. C’est-à-dire de l’exploitation, à la production jusqu’à la vente.

C’est quoi le problème ?

Selon le code des douanes, toute personne qui commercialise des produits spécifiés par un décret, doit justifier l’origine. Ils mettent l’or dans cette catégorie. C’est pourquoi, les douaniers demandent aux orpailleurs l’origine de leur or. Mais c’est une aberration.

Pourquoi vous le dites ?

Le gars est dans son site en train d’exploiter un produit, tu entres dans son site pour lui demander de justifier l’origine du produit qu’il détient. En dehors des périmètres, je suis d’accord, mais à l’intérieur des périmètres d’exploitation, c’est une aberration.

Le ministre de l’Intérieur s’est rendu à Kédougou après les incidents. Il a annoncé des mesures dont le retrait des douaniers des sites d’orpaillage. Est-ce que ces mesures sont suffisantes pour calmer les populations ?

D’abord, je salue la mesure qui est salutaire. La paix n’a pas de prix parce que c’est cette mesure qui a réussi à ramener le calme. C’était difficile de ramener le calme sans des mesures concrètes. Je salue aussi la réactivité du chef de l’Etat. J’ai appelé  les populations au calme.  Mais elles voulaient du concret. Et tant que missionnaires, le ministre Abdoulaye Daouda Diallo et son collègue Birima Magara étaient entre le marteau et l’enclume. Et si les autorités n’avaient pas pris ces mesures, il aurait été difficile de ramener le calme à Kédougou. Heureusement que le chef de l’Etat a été au-dessus de la mêlée en interdisant l’accès des douaniers sur les sites d’orpaillages. Donc, on le remercie pour ça. Mais il faut les accompagner parce que l’exploitation de l’or est source de conflits. Les populations n’ont que ça comme activité. Alors que des milliards sont brassés par les multinationales tirés de l’exploitation de l’or.

Est-ce que, selon vous, le nouveau code minier prend en charge suffisamment les préoccupations des populations de Kédougou?

Le nouveau code est salutaire. Moi, mon inquiétude ne se situe pas au niveau du code minier. Elle se situe dans l’application du code. Quand le président Macky Sall est arrivé au pouvoir, il a vu que les populations étaient lésées. On lui dit qu’il fallait que les populations vivent de leurs ressources minières. C’est ça mon combat aujourd’hui. Il faut que l’Etat trouve les mécanismes pour que la présence des multinationales puissent impacter sur la vie des populations. C’est pourquoi après discussions avec le gouvernement, le ministre des Mine, Aly Ngouille Ndiaye a décidé que 0,5% du chiffre d’affaires des multinationales soient prélevés et reversés dans le fonds de développement local. C’est ce qui permet le développement des localités. Les sociétés minières n’ont pas pour vocation de régler le problème des populations. Elles cherchent du profit. Ce sont des capitalistes. Donc, il fallait trouver un mécanisme pour les amener à contribuer à l’essor de la région. C’est en cela que le nouveau code minier est salutaire.

Mais il faut que cela soit appliqué. Sinon, ça ne sert à rien de faire voter un nouveau code minier.

Vous aviez fait une fronde avec Modou Diagne Fada au PDS. Aujourd’hui, Fada a quitté le PDS. Quel est votre avenir politique ?

Pour l’instant, je n’ai pas encore décidé de mon avenir politique. Ce n’est pas moi qui dois décider. Ce sont mes militants. C’est la population qui m’a élu. Je ne suis qu’un mandataire. Donc, je vais dès la semaine prochaine rencontrer mes militants. C’est à eux de me dire ce que je dois faire. Je sais que ma décision est très attendue dans le pays parce que nous nous approchons de la date de confection des listes électorales. En tous les cas, je prendrai la décision qui reflète la volonté des populations.

Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que vous rejoignez l’APR ?

Rien n’est exclu. C’est une possibilité

Quelle serait, le cas échéant, vos conditions ?

Moi je n’ai pas de condition. Je suis un élu et je ferai ce que mes populations voudront. Je pense que je n’ai plus rien à prouver. Ma mission aujourd’hui, c’est de servir les populations.

Dakar7 .com

 

 

 

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