Sexualité précoce des filles : Entre ignorance, méfiance et insouciance

Les chiffres sortis dans le rapport 2016 de l’Association Sénégalaise pour le Bien – Être Familial(Asbef) sur la sexualité des jeunes filles, et l’utilisation des contraceptions font froid au dos. En effet, ledit rapport fait état de 36% des jeunes filles qui utilisent la contraception, dont 12%, sont des collégiennes et lycéennes. Et que 11%  de ces filles ont eu des rapports sexuels  avant  l’âge de 15 ans. Une situation qui interpelle toute la population. A travers ce reportage, Dakar 7.com a tenté de creuser l’abcès en recueillant des témoignages de lycéennes et de lycéens les uns plus renversants que les autres.  

Reportage

Au détour d’une ruelle aux Parcelles assainies, une allée sépare Cambérene II de l’Unité 1. Une jeune fille de teint clair, vêtue d’une blouse jaune sur laquelle on peut lire Cem Cambérene, attire notre attention. Bien que pressée de rentrer,  cette gamine 12 ans, a quand même le temps de répondre à nos questions. Mais elle n’est apparemment pas au fait de l’actualité marquée par le résultat du rapport de l’ASBF. « Non je n’ai jamais entendu parler de ça franchement. Je ne sais même pas ce que ça signifie », répond-elle.

A 100 mètres de marche, on aperçoit des vendeuses installées devant l’entrée du collège Cem Camberene. Elles bavardent en attendant la sortie des élèves à 12h. Certaines exposent des beignets et crèmes glaces, d’autres des cacahuètes et du pain de singe. L’une d’elle sert du pain ton à deux enfants venus de la garderie qui se trouve à coté.

«5 jeunes filles sont tombées enceintes dans l’école»

Dans l’enceinte de l’école, l’air un peu humide fait flotter le drapeau qui se trouve dans la cour de l’école, en chantier. Doudou, gardien de son état, épie les entrées et sorties des visiteurs, tout en vendant son café.

Fatou Niang et Yacine Ngom(Noms d’emprunt), deux filles en classe de 4eme, foulard sur la tête, vêtues d’une blouse, s’apprêtent à rentrer chez elles. Interpellée sur le sujet,   Fatou hésite à se lancer.

« Il y’a même des lesbiennes dans cette école »

Tout le contraire de son amie Yacine qui semble très sûre d’elle. «  Je connais 5 jeunes filles qui sont tombées enceintes et qu’on a renvoyé de l’école. Les deux faisaient la 5eme, l’autre 6eme et les deux autres étaient en classe de 4eme ».

Comme si elle attendait que Yacine se prononce en premier, Fatou interrompt sa copine. «On ne sait pas trop ce que c’est les contraceptions, mais on n’est sûre que y’il y a des élèves qui connaissent la sexualité et la pratiquent. Il y’a même des lesbiennes dans cette école », révèle-t-elle. Se voulant plus précise, elle ajoute : « Ces lesbiennes font la 3éme et leurs relations commencent à durée ».

« A l’école Ogo Diop, il  y’a du tout !».

Cap sur le Collège Ogo Diop, situé à quelques kilomètres de là. Nous croisons en cours de route, deux jeunes filles. L’une d’elle, sac à dos dans la main droite, refait de temps en temps son foulard qu’elle à du mal à nouer. Interpellée sur le sujet, Diarra Sall, qui vient de fêter ses 14 ans, lorgne du regard sa copine avant de sortir un : « non je n’ai jamais entendu parler de contraception».  Mais elle est peu convaincante. Sur insistance de Dakar7, la jeune fille, d’un geste désintéressé, fini par lâcher, avec un petit sourire au coin: « En tout cas à Ogo Diop, il  y’a du tout !». Avant de poursuivre : « Le Directeur tient beaucoup à certaines règles. Il n’aime couvrir la tête, la tenue vestimentaire correcte et descend, interdiction de se tresser avec des mèches, les jeunes filles font du n’importe quoi». Puis elle nous propose de nous conduire  à son école Ogo Diop pour en avoir le cœur net.

Après quelques minutes de marche, on aperçoit des petits groupes de filles qui discutent de tout et de rien. Quelques vendeuses s’activent à servir leurs clients qui envahissent leurs étals.

Ogo Diop est une grande école, avec une cour assez vaste et animée. Il est midi. Les élèves viennent juste de sortir. Deux hommes, l’un plus âgé, gardent l’entrée. Ils ne semblent pas trop se soucier des allées et retours des élèves. A coté d’un arbre, quelques jeunes filles vêtues toutes de blouse bleue, bavardent, sur le sujet. Penda, petite de taille, teint noir, joue à l’innocente. « Contraception ? Je ne connais pas cette école» lâche-t-elle. Une réponse qui fait éclater de rire sa copine Saly qui vole au secours de Penda. « Même si elle(Penda) a 15 ans, c’est une gamine.  Elle ne sait  pas ce que c’est la contraception », dit-elle pour nous rassurer. « Par contre moi, j’en ai entendu parler et je vous assure que plusieurs filles dans cette école ne le savent pas, sinon il n’y’aurait pas autant de grossesses non désirées  parmi nos élèves ».

«Ici, les filles profitent du Fosco pour faire des bêtises»

Avant de terminer sa phrase, une autre collégienne s’invite à la discussion et confie :« L’année dernière, une élève de la 6eme a été exclue à cause d’une grossesse et pourtant c’est une mineure». Selon elle,  5 filles ont subi le même sort. Une autre fille assise à ses côtés lève un coin du voile sur les causes de ces grossesses précoces. «Ici, les filles profitent du Fosco pour faire des bêtises, en plus, certaines d’entre elles reçoivent leurs copains dans l’école sans pour autant que les professeurs ou gardiens ne s’en rendent compte. Ces derniers qui ne sont même pas des élèves empruntent des blouses pour entrer dans l’école» déclare-t-elle.

Autre école, autre réalité. Nous sommes Sileye Guissé. Ici, les élèves sont identifiés à travers la couleur de leur blouse, le meuve. Un calme plat y règne. Quelques rares élèves se reposent sur la véranda d’une maison qui se trouve en face de l’école. D’autres achètent de quoi camoufler leur faim entre pain « ndiambé» et ton. Daba Diallo, dans un jean déchiré, laissant à nu ses genoux, repose sa tête sur sa blouse qui lui sert d’oreiller. La jeune fille, dans les 1m 71, avec des rondeurs à la Sénégalaise, compte ses 16 bougies bientôt. Elle semble très imprégnée du sujet. « La précocité ne doit pas être une raison pour découvrir la sexualité. C’est très tôt.», conseille-t-elle. «Beaucoup d’hommes d’âge mur me draguent, et je comprends bien ce qu’ils attendent de moi », confie-t-elle d’une voix innocente.

« Moi je connais la contraception…»

Lala Dieng, qui prenait son goutter juste à coté, lance à sa copine : «Toi tu ne connais pas la sexualité ! Mais admets quand même qu’il y’a des filles dans cette école qui connaissent bien cela». Elle pointe du doigt une autre jeune fille assise à coté. « Toi, tu sais de quoi je parle ! On les connait bien !», lâche-t-elle. «Ce qui est dommage, c’est qu’elles sont toutes des gamines », déclare-t-elle avant d’avaler une autre bouchée de pain. Se sentant interpellée, sa copine finira par confesser. « Moi je connais la contraception, plus précisément deux méthodes qui sont la pilule, et la piqûre que l’on renouvelle par 3 mois», dit-elle. Une déclaration, qui lui vaut des regards interrogatifs de ses copines. « Ma tante est une badjanou gokh, c’est elle qui m’a donné ces informations » se défend-t-elle les bras levés.

I l est 13h au lycée LPA sis à Fadia. L’ambiance bat son plein. Ici les jeunes semblent plus matures. Leur mode vestimentaire est totalement différent des autres écoles. L’atmosphère est décontractée. Les voix des jeunes filles mêlées à celles des garçons se font entendre de partout. Le lycée LPA fait face à  Eureka, collège et lycée. Ce qui fait qu’on ne peut pas reconnaître les élèves, qui de temps en temps, sortent et entrent tranquillement des deux écoles. Plusieurs petits groupes se forment à l’entrée de l’école. Cette fois-ci, des groupes composés de garçons et filles discutent et se chamaillent. Khady, une adolescente, bien maquillée, et coquine, allure de mannequin, éclate de rire après avoir entendu notre question sur les méthodes de contraception. «Je ne connais que les préservatifs des garçons», dit-elle avec un grincement de dents. Elle nous invite à rencontrer quelques « amis tordus» qui voudront bien répondre à nos questions

En nous entraînant dans l’enceinte de l’école, la jeune fille, hèle quelques copines, qui, les yeux rivés sur leur smatphone, se partagent de vidéos. LPA, est une grande école, où un nouveau venu peut se perdre facilement.

« Je connais des filles ici qui ne sont pas vierges, mais elles savent quoi faire pour éviter des grossesses non désirées. »

Après avoir réuni, quelques copines, Khady, nous invite dans le jardin de l’école. Là, l’air est pollué par la fumée de la cigarette, malgré les nombreux arbres plantés dans l’école. Certains des jeunes garçons, qui prennent l’air, semblent suffoqués. Chemises déboutonnées, un petit nombre de garçons « exposent » leurs muscles comme s’ils charmaient les jeunes filles assises à coté d’eux. Prêtes pour les questions réponses, Khady et ses copines cachent mal leur excitation face à ce sujet. Aby, une fille, la vingtaine, ouvre la danse. «  On connait bel et bien les contraceptions, et les préservatifs, mais cela ne veut pas dire qu’on le fait», déclare-t-elle. Puis d’enchaîner : « Plusieurs élèves ont des copains et copines, mais on ne sait pas s’ils font des rapports sexuels ou pas !» Une autre fille réplique : « Je connais des filles ici qui ne sont pas vierges, mais elles savent quoi faire pour éviter des grossesses non désirées. » Une autre l’a coupe. «Celle qui te diront qu’elles n’ont jamais entendu parler de préservatifs ou de contraception, ne disent pas la vérité », clame-t-elle. Et poursuit : «Même si ce n’est pas par les discutions, il y’a des écoles qui ont des matières sur ça. Moi j’ai connu la contraception grâce à mon cour de éco-fam ».

«Je m’occupe pas de savoir si la meuf(copine) que j’amène sur mon lit connait la contraception ou pas»

En apercevant deux jeunes garçons venir, Khady et deux ses copines éclatent de rire et les hèlent. « On vous attendait ! Venez participer à la discussion», invitent-elles. Les garçons, un peu inquiets s’interrogent avant de prendre place sur une table banc à moitié cassée.

« Ah, moi je m’occupe pas de savoir si la meuf(copine) que j’amène sur mon lit connait la contraception ou pas. L’importance c’est que moi, je me préserve » déclare le jeune « Bo » comme l’appellent familièrement ses amis. Ce jeune garçon, âgé de 18 ans, est en classe de 1ere, n’est pas élève dans cette école, mais  fréquente LPA depuis longtemps. D’ailleurs, il n’est pas le seul, plusieurs garçons qui ne sont pas de l’école, viennent fumer, discuter, ou draguer dans l’école.

«Les 10 filles que je fréquente, les 9 ne sont pas vierges.»

Alioune, cigarette à la main, élève en classe de terminale, pense que la sexualité des jeunes élèves n’est plus un sujet tabou. «Si vous prenez les 10 filles que je fréquente, les 9 ne sont pas vierges. Mais moi j’ai pour principe de ne pas draguer des mineurs», précise-t-il d’un ton sérieux. Il poursuit : «J’ai des rapports sexuels 2 fois par semaines, et des fois se sont les filles qui me le réclament ». Une déclaration qui ne laisse pas de marbre les jeunes filles et garons qui suivaient la discussion. Chacun essaye de se défendre de son coté. Une des filles lance : « Vous les garçons,  Vous êtes ingrats. Vous ne vous souciez que de vos intérêts, il peut arriver que votre préservatif, se déchire que la fille tombe enceinte, mais vous refusez la paternité ». La réplique du coté des garçons ne se fait pas attendre. « Raison de plus pour vous abstenir, ou au pire cas utiliser la contraception, la pilule du lendemain sa existe non ? », lui suggère  un jeune garçon, cigarette à la main.

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Ramata Ba(stagiare) Dakar7.com

 

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